Influencé par Raymond Depardon et Bruno Dumont, Antoine Besse, jeune réalisateur venant du clip et de la pub, a réalisé un film puissant et symphonique, Le skate moderne. Tourné en Dordogne, avec des copains et des skates, sans producteur ni contraintes, il a pensé son film pour le net et s’est retrouvé, le succès aidant, en festival.

Antoine Besse est le réalisateur du court métrage Le skate moderne qui a dépassé les 300 000 vues sur Dailymotion en à peine deux semaines. Un carton assez inattendu pour un réalisateur jusqu’ici inconnu qui en 6 minutes a réussi à convaincre tout le monde…

 

Quel lien possèdes-tu avec le skate ?

En gros, je viens du surf (soustonnais d’origine) mais à 10 ans mes parents ont déménagé en Dordogne. Fini le surf, il fallait trouver une solution. Du coup ça a été le skate. Au début je skatais sur un bout de béton entre le champ des voisins et le stade municipal puis j’ai commencé à aller à Périgueux où j’ai rencontré les autres skaters de la vidéo (Pierre et Daniel en premier puis les autres). Au début, on skatait un bout de béton près du canal où il y avait un semblant de curb puis des modules que l’on fabriquait avec Jérôme (Masson, de ABF). On a ensuite eu un skatepark, puis par manque d’entretien plus rien et retour dans les hangars avec nos propres modules. Depuis mes 14 ans, passionné par la vidéo (révélation avec la Flip « Sorry »), j’ai commencé à filmer toutes nos sessions et à 17 ans j’ai décidé de partir en étude de cinéma. Malheureusement, il y a deux ans je me suis cassé le bras sur un park. Je n’ai plus pu bosser (étant principalement cadreur pour gagner ma vie) et j’ai fais un « tré » (pardonne le jeu de mot c’était mon trick préféré) sur le skate ! Depuis je roule seulement mais reste très attaché à cette culture.

Comment est née l’idée de proposer cette vision atypique du skate ?

L’idée est née il y a 3 ans quand j’ai repensé à ce qu’on avait vécu et notre façon de penser, de toujours chercher des spots perdus, de picoler, de s’en branler de tout. Bref, cette mentalité punk du skate dans la campagne. Cette pure philosophie de skate que je trouvais normale m’a vite fait comprendre qu’elle était exceptionnelle quand j’ai commencé à rider sur Bordeaux. Je me suis dis que personne ne connaissait notre skate paysan et j’ai décidé de pousser le cliché tout en appuyant les propos sincères de mes potes, loin de tous les sponsors et la course au technique, juste pour le kiff de rouler.

J’ai retrouvé du Depardon autant que des Deschiens (le côté décalé dans certains interviews) dans le film… je me trompe ?

L’influence Depardon, oui, carrément ! C’est un des mes cinéastes préférés et c’est une reprise de son chef-d’œuvre La vie moderne. Les Deschiens, si tu le dis… Mes références sont principalement Bruno Dumont, Raymond Depardon, Delépine & Kervern pas mal Romain Gavras même si je pense qu’il a du mal à sortir de son image subversive que tout le monde essaie de reproduire (moi le premier sur Hoosky). Et bien d’autres mais en ce moment c’est eux que je mets en avant.

Le film a dépassé les 300 000 vues aujourd’hui. Sur quoi repose ce succès, selon toi ? Le mélange fiction/réalité ?

Ouais je pense que le succès repose là-dessus, j’en suis même quasiment sûr. Ça interroge, notamment sur la véracité du propos, ce mélange entre sincérité qui crève les yeux et décors intemporels, clipesques, on sait plus où se placer. Et aussi et sûrement parce que le fisheye a fait son temps et qu’on en a marre de voir le skateboard enfermé dans la case « performance sportive mal filmée polie par une grosse tune » et qu’il fallait le montrer sous un autre angle. Je dis pas que je suis le premier à le faire mais je suis celui qui a été le mieux exposé (merci internet !).

Comment vit-on un tel succès ? Quelles sont les conséquences directes sur ta vie de réalisateur ?

Je sais pas trop quoi répondre… entre euphorie, incompréhension et stress. Au début t’es heureux de voir ton succès (surtout quand c’est ton premier vrai), la reconnaissance de ton œuvre, ensuite tu commences à en avoir marre qu’on te pose les mêmes questions, à la fin tu maîtrises plus rien et tu n’arrives plus à suivre le truc. Après les conséquences sont évidemment très bonnes, elles m’ont permis de connecter avec les plus grosses marques de skate, le monde de la pub et du clip à « haut niveau », d’être pour la première fois qualifié de « réalisateur », mais bon on sait comment ça se passe, le buzz c’est comme un soufflé, ça retombe ! Alors du coup je suis parti rider, écrire et filmer quelques mois, on verra à mon retour s’il y a toujours des intéressés ! Ha ha !

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